Muriel Bernard, fondatrice d’eFarmz, nous parle de son rapport au management et aux technologies. 

En 2013, Muriel Bernard décide de lancer eFarmz: une plateforme en ligne qui livre à domicile des produits alimentaires bios et locaux. À l’époque, les épiceries physiques de ce type n’en sont qu’à leurs balbutiements, et Muriel pense à tous ces gens qui, comme elle, ne parviennent pas à concilier agenda chargé et bons repas. “J’adore les bons produits! Et en tant que femme active, qui jongle avec vie pro et vie familiale, je n’avais pas l’opportunité de me rendre à la ferme ou au marché bio. Ça me frustrait.” Elle crée alors un e-shop pour consommer durable en quelques clics. Le succès est au rendez-vous! eFarmz livre aujourd’hui des milliers de familles belges chaque semaine et propose également des box comprenant tous les ingrédients nécessaires à l’élaboration d’un délicieux repas.

Un job qui ne connaît pas la routine…

C’est dans son entrepôt, à Anderlecht, que nous rencontrons l’entrepreneure de 45 ans. L’agitation bat son plein: les employés s’affairent dans la bonne humeur, emballent courgettes et tomates et chargent les boîtes en carton dans les camionnettes. “Le confinement a multiplié nos ventes par trois et nous a amené une nouvelle clientèle. Résultat? On déménage bientôt dans un entrepôt plus grand!” se réjouit Muriel, qui mène désormais la barque d’une entreprise d’une trentaine de salariés. “Mon boulot n’a plus rien à voir avec celui des débuts d’eFarmz. C’est ça qui est extrêmement exaltant avec le fait d’être cheffe d’entreprise: on n’a pas le temps de s’ennuyer. Chaque année apporte un nouveau challenge!” nous confie-t-elle, tout en admettant que le quotidien d’entrepreneur s’apparente à des montagnes russes: “On vit toutes les émotions à 100 %. Quand l’entreprise va bien, je suis sur un nuage. Mais quand ça va moins bien, ça me touche aussi directement!” Breaking news: là, ça va bien!

…ni la crise

Ça va même très bien, puisque la crise du Covid-19 a permis à eFarmz de tripler ses ventes! “Ça a été super impressionnant de voir les demandes augmenter de la sorte, dès que le lockdown a été annoncé”, nous confie Muriel. “Depuis, les ventes ne sont pas descendues: on garde ce rythme. Sur le mois de septembre, on a dû engager une dizaine de personnes et trouver de nouveaux entrepôts. Toute cette crise a réveillé l’envie de consommer local et de manière digitale. Notre chance, c’est qu’eFarmz possède les deux dimensions. C’est la solution idéale pour ne pas aller jusqu’au supermarché, et nous pratiquons bien entendu la livraison sans contact.”

La tech’, ce n’est pas sorcier!

Rien ne semble vraiment effrayer Muriel: ni le nombre d’employés qui ne cesse d’augmenter, ni le côté technologique de la plateforme. Au contraire! Fana d’e-commerce, Muriel prend un plaisir fou à analyser Google Analytics, qu’elle trouve passionnant. Autodidacte, elle a créé la plateforme en solo, en bouquinant et en “chipotant un peu” comme elle dit. Un esprit de débrouillardise, qu’elle tient à encourager chez les autres: “Tout le monde peut lancer un site d’e-commerce. Ça n’a rien de sorcier! Ne soyez pas découragée par l’aspect technique: il existe d’innombrables outils et solutions clés sur porte. J’étais loin d’être une geekie, mais je me suis formée et aujourd’hui, même si je délègue une grande partie de l’aspect technologique, je comprends au moins de quoi on parle!”

Reine du management horizontal

Quand on rencontre Muriel, on la sent à sa place : comme un poisson dans l’eau dans l’océan entrepreneurial. Pourtant, elle a eu 100 autres vies avant eFarmz: elle a travaillé 12 ans dans des multinationales, dans la vente et le marketing. “Mes enfants ont commencé à aller à l’école et je me suis dit que c’était le bon moment pour me lancer. J’avais envie de me faire plaisir, de bâtir un projet qui aurait un impact positif pour la santé et pour l’environnement.” Ces valeurs, Muriel les a toujours à cœur 7 ans plus tard et les a même érigées en critère de recrutement: “Mes employés croient tous autant que moi en ce projet. Ils ont envie de changer les choses, ont la fibre entrepreneuriale” nous explique la cheffe d’entreprise, qui utilise les principes de l’entreprise libérée pour son management: “Il y a très peu de hiérarchie chez eFarmz. On laisse les employés s’exprimer, prendre des initiatives et réfléchir aux décisions”. Son livre de chevet pour instaurer cette bienveillance en entreprise? “Reinventing Organizations: Vers des communautés de travail inspirées” de Frédéric Laloux. Et puis, le leadership, Muriel a ça dans le sang depuis toujours. Fillette déjà, elle s’inventait gérante de magasin: “Je me considère comme la conductrice d’un van: j’ai une vision, une destination, et j’embarque mes employés en voyage avec moi pour l’atteindre! C’est une aventure collective.”

Le financement? Osez demander!

Pour toutes celles qui rêvent d’entreprendre, le conseil de Muriel tient en un mot: foncez. “Il existe énormément de structures d’accompagnement et de financement” encourage-t-elle. “Si vous avez une idée suffisamment mature, essayez de trouver du financement dès le début. Mon erreur a été de commencer sur fonds propres, alors qu’il existe beaucoup d’investisseurs prêts à aider les start-ups, d’autant plus avec le Tax Shelter.” L’entrepreneure conseille aussi d’intégrer un réseau: “Ce qui m’impressionne, c’est à quel point les entrepreneurs se serrent les coudes. Il y a une vraie solidarité et une émulation. J’ai par exemple récemment suivi une formation sur Instagram avec Emna Everard, fondatrice de l’e-shop Kazidomi. N’ayez pas peur de parler de votre idée aux autres: on ne vous la piquera pas! Discutez aussi avec des entrepreneurs qui ne font pas partie du même domaine, car peu importe le secteur, on affronte tous des challenges similaires.”